e-art

Eduardo Kac, Genesis
Genesis (1999)
Eduardo Kac, Genesis (1999)
Vue de l'installation
Photo de Otto Saxinger reproduite avec la permission de l'artiste

Eduardo Kac, Genesis
Genesis (1999)
Genesis d'Eduardo Kac utilise la méthode de conversion ici illustrée : Le verset de la Bible est converti en code morse ; une table de conversion traduit en code d'ADN ; protéines de base de l'ADN : T (thymine), C (cytosine), A (adenine), G (guanine)
Schéma reproduit avec la permission de l'artiste
Eduardo Kac
Né à Rio de Janeiro (Brésil) en 1962
Vit et travaille à Chicago (Illinois)

Genesis (1999) comporte la création d'un « gène d'artiste ». L'ADN Genesis conçu par Eduardo Kac : un gène synthétique produit en traduisant en code morse une phrase tirée du livre de la Genèse, puis en convertissant ce code en paires de bases d'ADN conformément à un principe de conversion élaboré expressément pour le projet. (1) Le gène a ensuite été exprimé dans une bactérie E. coli. Par le truchement d'Internet (et d'une station informatique dans la galerie), les visiteurs peuvent allumer une lumière ultraviolette qui fait muter la bactérie. Peu à peu, en retour, la phrase de la Bible elle aussi va muter. Eduardo Kac a touché à plusieurs genres ou pratiques artistiques depuis le début des années 1980 : performance, poésie, art des télécommunications (téléphone, télécopieur, télévision, télématique). Dans les années 1990, il entreprendra une série de projets d'art qu'il qualifie de « transgéniques ». Ce dernier terme forgé par Kac désigne les pratiques d'artiste dont le sujet, l'objet et les méthodes relèvent de l'ingénierie génétique et dont l'un des buts avoués est de créer de nouveaux êtres vivants, des hybrides. (2) Le préfixe « trans » fait valoir l'échange ou la transformation du matériel génétique, sa translation d'un code en un autre, d'une réalité en une autre. Genesis rend évident ce que d'autres œuvres ne dévoilent pas ou peu, qu'elles agissent comme shifters(3) qu'elles opèrent ce passage entre le réel, la technologie et le langage (le symbolique). C'est ce qui rend l'usage du verset de la Bible si déterminant, en ce qu'il est programmatique au sens propre et au sens figuré, quand du code linguistique on passe au code génétique pour la fabrication du vivant.

Kac a fait parler de lui dans les années récentes par son projet GFP Bunny (2000). Dans un laboratoire français, aidé de scientifiques, il avait créé un lapin vert phosphorescent, connu aussi par le nom que Kac, sa femme et sa fille lui ont donné, Alba. GFP ou Green fluorescent protein a été exprimé dans le code génétique d'un lapin albinos, ce qui lui donne la propriété d'être fluorescent sous la lumière bleue ou ultraviolette comme le sont certaines méduses de l'océan Pacifique desquelles provient la protéine GFP.

En quoi ce projet, tout comme Genesis, diffère-t-il des manipulations génétiques des scientifiques et des industriels qui brevettent des semences génétiquement modifiées ? De nous poser cette question à leur propos marque déjà une première différence. Ces œuvres ne manquent pas de nous retourner aux enjeux éthiques, politiques, culturels et sociaux auxquels le monde actuel fait face, comme Kac en a fait grandement état dans de nombreux écrits. Pour Kac l'art qu'il pratique est dialogique : il repose sur les échanges de plusieurs professionnels de diverses disciplines (science, art, philosophie, science sociale, droit), ainsi qu'avec le public sur les conséquences culturelles des manipulations génétiques. La création de formes vivantes modifiées suppose la responsabilité envers la créature ainsi amenée au monde et la règle dialogique suppose à la fois un espace dialogique, donc social et culturel, et la reconnaissance de l'altérité et de l'intersubjectivité comme fondement de l'idée même de subjectivité. Kac présente des expériences d'intersubjectivité radicale.

Genesis, écrit Kac, « est une œuvre d'art transgénique qui explore les relations intriquées entre la biologie, les systèmes de croyances, les technologies de l'information, les interactions dialogiques, l'éthique et l'Internet ». (4) Mais c'est surtout une œuvre qui nous interroge sur le pouvoir créateur et destructeur des humains, ce pouvoir dont nous avons hérité en même temps que du verbe et du nombre.

J.G. © FDL 2007


(1) On en trouvera une description dans Eduardo Kac, Telepresence & Bio Art: Networking Humans, Rabbits and Robots, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2005, p. 250-51.
(2) Ibid., p. 236-248.
(3) Roland Barthes, Système de la mode, Paris, Éditions du Seuil, 1967, p. 15-16.
(4) Traduction libre. Eduardo Kac, Telepresence & Bio Art: Networking Humans, Rabbits and Robots, op. cit., p. 249.
Œuvre exposée

Genesis (1999)

Œuvre transgénique avec une bactérie créée par l'artiste, lumière ultraviolette, ligne internet, vidéo
Collection de l'artiste
Édition de 2

Biographie

Kac a étudié à Chicago, Illinois, à l'Art Institute of Chicago où il a obtenu une maîtrise en beaux-arts. Pionnier de l'art des télécommunications pré-Internet dans les années 80 et auteur de nombreuses performances, il est reconnu au début des années 90 pour ses œuvres dans le domaine de la téléprésence et de la bio-télématique. Il propose par la suite un « art transgénique » modifiant génétiquement des organismes vivants à des fins artistiques. Il est membre du comité rédactionnel de la revue Leonardo, Journal of the International Society for the Arts, Sciences and Technology, une publication du MIT. Son œuvre a fait l'objet de nombreuses expositions aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud et en Asie. Elle a ainsi été présentée à la Galerie Ronald Feldman Fine Arts (New York), à la Maison européenne de la photographie (Paris), à l'OK Contemporary Art Center (Linz, Autriche), à l'InterCommunication Center (Tokyo), à la galerie Julia Friedman (Chicago), au Musée d'art moderne de Rio de Janeiro (Brésil), mais aussi à la foire ARCO (Madrid), à la Triennale de Yokohama (Japon), à la Biennale de Sao Paulo (Brésil) et à celle de Kwangju (Corée du sud). Des œuvres d'Eduardo Kac ont été acquises par les collections permanentes de nombreux musées. Il a reçu plusieurs bourses et prix pour son œuvre, notamment ceux du Creative Capital (New York), d'ArtsLink (New York), le Leonardo Award for Excellence (San Francisco), l'Inter-Communication Center Biennale Award (Tokyo), le prix de la Greenwall Foundation (New York), l'ARCO/BEEP Acquisition Award (Madrid), et un prix du Ministère de la culture de France.

Liens :
Musée des beaux-arts de Montréal Fondation Daniel Langlois