Please wait a few moments while we process your request
Please wait...

Contemporary Digital Art

Conservation, dissemination and market access


Jean-Pierre Gauthier

Jean-Pierre Gauthier lives and works in Montréal. He has been active on the contemporary art scene since the mid-1990s. He has been the recipient of honours such as the Sobey Art Award in 2004, the Victor Martyn Lynch-Staunton award in 2006 and the Louis-Comtois award in 2012. He pursues a hybrid approach in which he combines visual art and musical conceptions around kinetic and sound installations, invented or automated music instruments. His installations have been shown in Canada, Europe, Asia and the US. A retrospective of his work was put together at the Musée d’art contemporain de Montréal in 2007 and then travelled throughout Canada and US until 2010.



Orchestre à géométrie variable (2013-2014)
Un cas complexe de conservation et de maintenance

[English translation not available]

Résumé de la présentation

L'installation Orchestre à géométrie variable présente un cas complexe de conservation et de maintenance. Fort heureusement, le Musée d'art contemporain de Montréal, qui en a fait l'acquisition toute récente, fut à la hauteur de ce défi. Cette présentation donne un aperçu du protocole de montage et de réparation pour ce type d'installation.

Élaboration et fonctionnement de cette installation

La première moitié d'Orchestre à géométrie variable fut présentée au centre Expression à Saint-Hyacinthe en mai 2014, lors d'un solo réunissant plusieurs installations. (1) Les trois premières murales sonores de ce projet y furent présentées. Cette première version de l'orchestre incluait trois instruments à cordes, des archets et des percussions automatisés pour cordes ainsi qu'une cymbale rotative.

Capté par des microphones piézoélectriques, le son des instruments était mixé et rediffusé à travers deux haut-parleurs spécialement conçus pour ces instruments. J'ai décidé de fabriquer les haut-parleurs en forme de tube, évoquant à la fois un télescope et une sorte de canon sur trépied. Pour ce faire, j'ai intégré au centre de grands tubes ABS, des pré-amplificateurs, des amplificateurs et des haut-parleurs pointant vers chacune des embouchures du tuyau. Chaque embouchure était munie d'un clapet de bois mécanisé qui s'ouvrait et se fermait à des vitesses variées. Les sons émis par les haut-parleurs dissimulés dans les tubes étaient ainsi modulés par le mouvement des clapets. Synchronisés avec les compositions jouées par les instruments sur les murs, ces clapets créaient un effet sonore analogique similaire au « wah wah » associé à la guitare électrique. Des bois francs exotiques ont servi à la fabrication de supports pour les divers types de moteurs utilisés pour les percussions et la mécanisation des archets. Ils ont aussi servi à la fabrication de chevalets et de tendeurs pour les cordes des instruments.

Afin de pouvoir réellement composer musicalement avec cet orchestre, il m'a fallu inventer un protocole de communication fait sur mesure. J'ai décidé d'établir un réseau de communication entre les modules programmables dit en « parallèle ». Tel un chef d'orchestre, un micro-contrôleur principal communiquait avec tous les autres micro-contrôleurs commandant les archets, les percussions et les haut-parleurs automatisés. Afin d'élaborer l'architecture de programmation, j'ai fait appel à Pascal Audet pour la construction du squelette de programmation. Chaque composante mécanique des murales fut programmée pendant plusieurs mois, afin de créer un répertoire de rythmes et de mélodies mis en réserve dans les mémoires des micro-contrôleurs.

Dans un deuxième temps, grâce à une interface créée avec Mériol Lehmann sur la plateforme « Max For Live », j'ai pu composer en temps réel avec les divers rythmes et mélodies en mémoire dans les murales. Une fois terminées, les compositions étaient fixées dans la mémoire du micro-contrôleur qui servait de chef d'orchestre, ce qui rendait l'orchestre autonome. Ainsi elle ne nécessitait plus la connexion avec un ordinateur pour fonctionner. Tout comme le travail graphique réalisé par le placement des fils sur les murs de ces murales, les styles et les influences musicales des compositions ont été pensés comme des agencements et bifurcations de genres musicaux. Les compositions étaient parfois fort distinctes les unes des autres, créant des contrastes stylistiques dans les rythmes et mélodies. Certaines pièces produisaient des sons rappelant des instruments du Moyen-Orient, tandis que d'autres étaient de type rock, techno, expérimental ou électroacoustique. À l'exception d'Asservissements, présentée lors du FIMAV en 2012, mes installations sonores n'avaient qu'une composition. Ce nouvel orchestre plus polyvalent m'a permis de réaliser de très belles et surprenantes compositions.

Leurs programmations étant complexes et la mise en place des éléments mécaniques exigeant de la précision, j'ai dû concevoir des patrons de mise en place pour chaque murale. Ceci m'a permis de reproduire les mêmes compositions avec les mêmes sonorités d'un lieu d'exposition à l'autre. Tout comme pour un orchestre en déplacement, le lieu de présentation influence la diffusion du son et conditionne notre écoute. La hauteur des murs et du plafond et le plancher en bois du centre Expression ont contribué à donner une sonorité plus chaude et moins réverbérante qu'à la Galerie B-312 à Montréal. Par ailleurs, chaque lieu impose pour ce projet de refaire sur mesure tous les câblages entre les modules afin de créer un travail graphique qui soit spécifique, ce qui contribue à rendre l'aspect visuel de cet orchestre chaque fois différent. Lors de l'exposition Ceci n'est pas une machine, au centre Expression à Saint-Hyacinthe, j'ai composé huit pièces musicales avec les trois premières murales (1, 2, 3), qui totalisaient 25 minutes et 48 secondes.

Les murales sonores (4, 5, 6) constituent la deuxième partie d'Orchestre à géométrie variable. Elles furent réalisées au cours du trimestre pendant lequel les trois premières murales étaient présentées chez Expression. Le défi fut par la suite de réunir et de programmer l'ensemble des six murales en moins d’un mois. Heureusement, la Galerie B-312 à Montréal m'a donné la possibilité de faire une résidence de création durant le mois d'août, ce qui m'a permis de faire la mise en place de l'orchestre et du réseau de fils et de programmer l'ensemble des six murales.

Le nouveau haut-parleur présentait comme particularité d'avoir deux contrôles de volume automatisés. Les murales 4 et 5 formaient une seule et grande murale et étaient amplifiées et rediffusées dans un même tube haut-parleurs. Elles avaient leurs haut-parleurs internes respectifs pointant vers chacune des extrémités du tuyau.

La murale 6 fut pensée différemment des autres. Celle-ci ne comportait aucun instrument à cordes ou à percussion. J'ai opté pour la construction d'un dispositif de spatialisation sonore en quadriphonie analogique. Habituellement, ce type de système passe par un ordinateur et une carte audio-numérique, ce qui n'est évidemment pas le cas pour cette murale. Pour ce faire, j'ai utilisé deux lecteurs de fichiers audio MP3 sur carte flash programmable. Quatre haut-parleurs auto-amplifiés ont été installés dans les quatre coins de la petite salle de la galerie. Chaque haut-parleur était relié à un mécanisme qui mettait en mouvement un microphone. Ces microphones captaient les champs magnétiques émis par les deux émetteurs flash dont les compositions sonores étaient retransmises par ondes magnétiques. Ainsi, des compositions sonores préenregistrées pouvaient être spatialisées dans l'espace entre les quatre haut-parleurs. Les 11 nouvelles compositions furent réalisées en atelier et à la Galerie B-312. La durée totale des 19 compositions est maintenant de 68 minutes et 27 secondes.

Orchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variable
Orchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variable
Jean-Pierre Gauthier, Orchestre à géométrie variable (2013-2014)

Protocole d'installation et de conservation d'une installation

En 2015, le Musée d'art contemporain de Montréal a fait l'acquisition de cette installation. Elle fut présentée en 2016 lors de l’exposition Orchestré, organisée par John Zeppetelli, qui réunissait les installations data.tron de Ryoji Ikeda et Orchestre à géométrie variable. Cette installation a été remontée différemment pour chaque lieu d'exposition selon l'évolution du projet et l'espace disponible, ce qui exigeait chaque fois au moins deux semaines pour refaire les interconnexions électriques entre les différentes composantes. La version proposée au MACM est la version définitive de l'emplacement des composantes. Ceci a pour effet de permettre un remontage plus rapide et plus facile de l'installation. Toutefois, cette œuvre exige, pour la représenter ailleurs, une configuration et des dimensions de salle identiques. Grâce à des plans et patrons de montage extrêmement précis, sa réinstallation sera possible sans ma présence. L'ajustement des cordes des instruments se fait à l'aide d’un accordeur de guitare, ce qui permet d'accorder l'orchestre au besoin.

Orchestre à géométrie variableOrchestre à géométrie variable
Jean-Pierre Gauthier, Orchestre à géométrie variable (2013-2014)

La partie la plus complexe en fait de réparation fut le remplacement des moteurs Servo, une intervention qui demande beaucoup d’attention et de précision. Grâce à l'excellent travail de Marie-Chantale Poisson, restauratrice du Musée, un cahier des charges concernant leur remplacement a été soigneusement élaboré. Par ailleurs, un enregistrement intégral des 19 compositions sonores fut réalisé, qui peut servir de guide audio et de référence au remontage.

Pour ce qui est des micro-contrôleurs (Arduino et Teensyduino), nous sommes toujours à la merci de l'obsolescence des interfaces de programmation. Lors de l'acquisition de telles installations, je m'assure toujours de fournir des copies des programmes originaux ainsi que des versions imprimées en pdf des pages de programmation en C++. Si un jour ceux-ci venaient à ne plus fonctionner, ou ne correspondaient plus aux normes de l'époque d'un point de vue informatique, il sera possible de refaire la programmation avec de nouvelles interfaces afin de faire revivre cette installation.

Jean-Pierre Gauthier © 2016 FDL

(1) Exposition Ceci n'est pas une machine. Commissaire : Marie-Eve Beaupré.