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Catherine Richards

(Ottawa, Ontario, Canada)

Catherine Richards, Virtual Body, 1993 (video)
Catherine Richards, Virtual Body, 1993 (video)
Catherine Richards, Spectral Bodies, 1991 Catherine Richards, Virtual Body, 1993 Catherine Richards, Curiosity Cabinet at the End of the Millenium, 1995
Catherine Richards vit et travaille à Ottawa, au Canada, où elle est professeur au département d'arts visuels à l'Université d'Ottawa. Elle a étudié la littérature anglaise et a obtenu un baccalauréat ès arts de l'Université York en 1971 et un baccalauréat ès arts en arts visuels de l'Université d'Ottawa en 1980.

En 1991, elle organise avec Nell Tenhaaf au Center for the Arts de Banff, en Alberta, la conférence Virtual Seminar on the Bioapparatus, (1) l'une des premières manifestations au Canada d'une préoccupation pour les réalités virtuelles et les interfaces entre les technologies et le corps. Ce projet novateur en matière d'art et de nouvelles technologies lui vaut, en 1992, le Prix Corel de la Conférence canadienne des arts. En 1993, elle obtient le Prix Petro-Canada en arts médiatiques du Conseil des arts du Canada pour son emploi remarquable de nouvelles technologies en arts médiatiques et plus particulièrement pour Spectral Bodies (1991). En 1993, son œuvre interactive Virtual Body a été présentée au Antwerp '93 Festival, en Belgique.

Catherine Richards, Cœurs électrisés (Charged Hearts), 1997 Catherine Richards, Cœurs électrisés (Charged Hearts), 1997 Catherine Richards, Cœurs électrisés (Charged Hearts), 1997 Catherine Richards, Cœurs électrisés (Charged Hearts), 1997

Le Centre canadien des arts visuels, affilié au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), lui décerne une bourse en 1993-1994 afin de poursuivre son travail en art contemporain et, en 1994-1995, son projet Cœurs électrisés (1997) est en partie financé par la bourse Claudia de Hueck en art et science du MBAC. Toujours en 1995, on lui commande Curiosity Cabinet at the End of the Millenium pour l'exposition Self Determination/Body Politic au Gemeentenmuseum, de Arnhem, en Hollande. L'une des particularités des travaux de Catherine Richards, notamment dans la réalisation de Cœurs électrisés, réside en ce que l'artiste réunit des ressources technologiques et scientifiques importantes en formant des équipes pluridisciplinaires d'informaticiens, de physiciens, de technologues et d'artisans qui contribuent à la réalisation de l'œuvre.

Catherine Richards a toujours explicitement fait référence aux environnements informatisés qu'elle explore dans ses travaux (smart Environments, the smart House, etc.), où l'humain agit en constante interaction cybernétique avec ce qui l'entoure par l'entremise d'une myriade d'interfaces sensorielles. C'est un trait de son travail que de remettre en cause l'idée du sujet autonome dans les environnements informatisés. Richards souligne les désirs et les plaisirs qui nous incitent volontiers à abdiquer notre autonomie :

« Un réseau offre une double voie. Élément du système dans lequel il entre, il est par cela vulnérable, et plus il se fait subtil, plus il détermine l'intimité de la relation. Avec cette intimité grandissante croît la vulnérabilité. Dans cette surveillance agréable, nous souhaitons être à la fois agent et objet, mouche et araignée. » (2)

Dans plusieurs de ses travaux et dans Cœurs électrisés , l'artiste cherche donc à démasquer l'efflorescence des environnements de « surveillance » plaisants qui nous assignent à une fonction de servomécanisme. (3)

Richards ne manque pas de noter que dans plusieurs des propos tenus sur les nouveaux environnements technologiques, le sujet est considéré comme autonome. Certains avancent même, comme Marvin Minsky (Toshiba Professor of Media Arts and Sciences, et professeur de génie électrique et d'informatique au Massachusetts Institute of Technology), l'autonomie accrue du sujet, la consolidation des facultés et pouvoirs d'un sujet unitaire dans les nouveaux environnements informatisés. Richards écrit :

« Si le cerveau est un ordinateur et la colonne vertébrale, un câble coaxial, comme l'ont suggéré des scientifiques tel Marvin Minsky, l'image du système nerveux perçu comme un réseau d'information se complexifie. On se défait ainsi de la perspective propre au XIXe siècle qui voyait le corps comme un organisme indépendant puisque le corps ne peut, d'une certaine façon, se distinguer de l'information nécessaire à son fonctionnement. Dans ce sens, il est illogique de le garder débrancher de son environnement - en fait, de le garder dans le noir. » (4)

Les travaux de Richards attirent l'attention sur cette part d'illusion du sujet qui cherche à maintenir son intégrité dans les environnements technologiques. Tel est le débat dans lequel intervient son travail, cette zone d'ambivalence face aux nouveaux environnements technologiques où se jouent les tensions entre l'aliénation et la perte d'autonomie du sujet et les valeurs de liberté et de maîtrise s'attachant aux technologies.

Curiosity Cabinet at the End of the Millennium et Virtual Body s'inspirent, tout comme Cœurs électrisés, de technologies « primitives » Dans la première production, les sources se trouvent dans les technologies du début de l'électricité et de l'électromagnétisme, la cage de Faraday pour être précis, cette sorte d'antichambre protégée des ondes magnétiques ambiantes, pour déconnecter le spectateur qui s'y enferme. Virtual Body se présente comme un cabinet lambrissé de bois, à la fois cabinet de curiosité et instrument d'optique du XIXe siècle, dans lequel on regarde pour découvrir la reconstitution d'une salle rococo du XVIIIe siècle. Une ouverture sur le côté permet au spectateur d'y glisser une main pendant qu'il regarde à l'intérieur, ce qui déclenche des effets perceptuels déstabilisant les rapports entre le champ de vision et l'orientation kinesthésique du corps. Ces deux œuvres, en dépit de leur degré différent de complexité technologique et conceptuelle, font du corps et de son rapport à l'environnement, qu'il soit électromagnétique ou spatial, l'enjeu des forces en présence. C'est aussi le spectateur qui se voit renvoyé à lui-même, comme une curiosité déconnectée dans le cabinet ou comme pôle du regard faisant ordre dans la multiplicité des points de fuite de la salle rococo, avec ses représentations picturales et ses miroirs.

« Si l'humain mâle est le seul humain, le cyborg femelle est le seul cyborg. » (5)

Branchés aux réseaux, cédant une part de notre autonomie aux systèmes informatiques et nous soumettant aux « plaisirs » cybernétiques, ne devenons-nous pas de ce fait des cyborgs? Catherine Richards a elle-même écrit sur le sujet, questionnant le rapprochement peut-être trop rapide que certains discours établissent entre le projet féministe d'une redéfinition de la subjectivité féminine et les technologies numériques. Quelle ironie que cette prétendue adéquation entre des technologies conçues le plus souvent par des militaires, en vue d'une plus grande maîtrise et d'un meilleur contrôle, et la possibilité que ces mêmes technologies valorisent les caractéristiques dites féminines : une subjectivité disposée à la dispersion dans une toile de connexions, habituée à fonctionner dans un réseau d'interconnexions, d'interlocutions, une subjectivité aux frontières incertaines et imprécises en constante relation intersubjective avec les autres. Pour Richards, il s'agit d'une mauvaise blague qui ne fonctionne que par une certaine nostalgie. Dans les faits, nul ne peut prédire ce qu'il adviendra de la subjectivité humaine, masculine ou féminine, dans l'univers informatisé qui s'annonce. Devons-nous en déduire qu'encore une fois, l'imaginaire masculin domine les constructions télématiques dans une sorte de désir d'auto-engendrement qui oblitère le passage par l'Autre, et que le travail des artistes avec ces technologies constituerait une forme renouvelée de machines célibataires? Voilà un autre débat que soulèvent les travaux de Catherine Richards.

Jean Gagnon © 2002 FDL

(1) Virtual seminar on the Bioapparatus. - Sous la direction de Richards, Catherine et Tenhaaf, Nell, Banff, Banff Centre for the Arts, 1991.

(2) Rapport de l'artiste, document inédit, dossier de projets du Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, sept. 1996, n.p.

(3) Marshall McLuhan en parle à plusieurs reprises dans Pour comprendre les médias, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 1972, notamment à la page 64.

(4) Richards, Catherine. - «Virtual bodies : what a blow that phantom gave me», in Angles of incidence, Video Reflections of Multimedia Artworks, organisé par Sara Diamond, Banff, The Banff Centre for the Arts, p. 18.

(5) Sadie Plant, citée dans «Fungal Intimacy: The Cyborg in Feminism and Media Art», Clicking In: Hot Links to a Digital Culture, sous la direction de Lynn Hershman Leeson, Seattle, Bay Press, 1996, p.258-263.