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Igor Vamos

(Troy, New York, États-Unis)

Igor Vamos, BLO Nightly News with Brian Williams, 1994 (video)
Igor Vamos, BLO Nightly News with Brian Williams, 1994 (video)
Igor Vamos, BLO Nightly News with Brian Williams, 1994 (video)
Igor Vamos, BLO Nightly News with Brian Williams, 1994 (video) Igor Vamos et The X Group, Malcolm X St Project, 1991 Igor Vamos, Rose Festival Performance, 1991
Igor Vamos vit à Albany (New York, New York). Il enseigne la vidéo et les arts médiatiques au Rensselaer Polytechnic Institute (Troy, New York, États-Unis). Ses préoccupations critiques s'énoncent sous forme d'interventions stratégiques dans les lieux publics et les réseaux électroniques ainsi que sous forme de films expérimentaux qui revisitent les conventions du documentaire. Depuis le début des années 90, les interventions qu'il réalise en collaboration avec des groupes d'activistes tels que RTmark ou Yes Men obtiennent un succès critique important dans les médias électroniques et imprimés. L'habileté avec laquelle Vamos élabore des stratégies de diffusion de sa pratique fait en sorte que ses projets critiques atteignent un large public dépassant la sphère de l'art contemporain. Comme Vamos réalise la plupart de ses projets à titre de membre anonyme de groupes d'activistes, il est par conséquent difficile de mesurer la portée du rôle qu'il y joue réellement.

Igor Vamos, Melinda Stone, Suggested Photo Spots, 1997 Igor Vamos, Melinda Stone, Suggested Photo Spots, 1997 Igor Vamos, Le Pétomane : Fin de Siècle Fartiste, 1998

Par un détournement habile de conjonctures d'événements, les premières actions de Vamos mettent en relief les dimensions répressives d'une certaine culture de la commémoration. Divers segments filmés des moments forts des interventions qu'il a menées depuis 1991 se trouvent compilées dans une bande vidéo intitulée Undeniable Evidence (1997).

À Portland en 1991, Vamos et une équipe d'activistes (sous l'appellation idoine X group) trafiquent le système d'affichage officiel d'une rue historique en masquant les anciens toponymes avec de faux panneaux d'affichage à l'insigne de Malcolm X. Dans le vif d'une controverse émergeant de l'abandon d'un projet municipal qui visait à renommer la rue en l'honneur de Martin Luther King Jr, Vamos et ses collaborateurs mettent en relief de façon irrévérencieuse l'ostracisme dont est encore victime la population afro-américaine de Portland. À la suite de la diffusion d'un manifeste aux médias locaux, l'intervention fait l'objet de quelques entrefilets dans la presse américaine.

En 1991, lors du Rose Festival, un événement commémorant le retour des troupes de la guerre du Golfe persique à Portland, Vamos profite de l'occasion et souligne la récente Operation Desert Storm menée par le gouvernement Bush. Pour mettre de l'avant les morts civils causées par l'opération militaire, il affiche un énorme drapeau américain constitué de cibles humaines bleues et rouges. Par la suite, se présentant comme un documentariste travaillant pour la chaîne de télévision locale, Vamos filme les autorités mettant en pièce son drapeau de façon ostentatoire devant le public réuni pour la cérémonie.

Vamos est désormais connu pour son rôle de chef de file dans les activités du groupe d'activistes The Barbie Liberation Organization (BLO). En 1993, sous la tutelle de RTMark, Vamos réunit une équipe de collaborateurs pour mener à bien une stratégie d'infiltration médiatique à l'échelle nationale.

Les membres du collectif achètent approximativement 120 Barbies et G.I. Joe et intervertissent leurs boîtes vocales. Lors du Noël de l'année 1993, l'organisation redistribue les poupées avec leur nouvelle identité dans des points de vente à travers les États-Unis. B.L.O. met alors en place une campagne de presse pour faire en sorte que la couverture médiatique de l'événement prenne l'ampleur souhaitée. Des reportages brefs occupent le temps d'antenne de ABC, CBS et NBC, et les concepteurs de The Simpsons s'inspirent de l'événement dans l'un des épisodes de la célèbre bande-animée.

L'année suivante, Vamos réalise un film (BLO nightly news with Brian Williams) qui revisite le format du reportage télévisé pour constituer un compte rendu critique de l'intervention. Un comédien jouant le présentateur de nouvelles annonce les reportages de correspondants à travers les États-Unis, reportages constitués d'extraits de la couverture médiatique réelle des activités de BLO et de segments fictifs qui offrent, entre autres, le mode d'emploi pour intervertir les boîtes vocales des poupées. (1) Bien que le caractère burlesque et parodique des segments fictifs les distingue, leur juxtaposition avec les extraits de bulletins de nouvelles des grandes chaînes américaines crée l'illusion que l'événement faisait les manchettes alors qu'il ne s'agissait que d'un simple fait divers intercalé dans les nouvelles courantes. Ce type de collage permet de déterminer dans quelle mesure les médias s'approprient certains événements pour en distiller une interprétation singulière selon le contexte.

Tout au long du documentaire, les membres de BLO gardent l'anonymat par le truchement de subterfuges techniques (brouillage de certaines parties de l'image, emploi de comédiens porte-parole, voix-off).

Dans un segment, Vamos profite de ces subterfuges pour engendrer une personnalité propre à la poupée Barbie, qui s'exprime sous le couvert d'un membre anonyme de BLO. Une bouche humaine superposée à une vraie Barbie revendique le droit d'exister à l'extérieur des stéréotypes sexuels que lui impose la compagnie Matel. L'objet inanimé se fait ainsi le porte-parole de son propre affranchissement. Il s'agit d'un tour de rhétorique exemplaire où la commodité perd son aspect réifié pour mettre en relief les schèmes culturels (et, par extension, le système capitaliste) dont elle assure la reproduction. Ce film permet de mesurer les effets réels d'une intervention critique lorsque l'artiste voit à superviser toutes les étapes de son actualisation (les modes de diffusion, les publics ciblés, la couverture médiatique et, a posteriori, la documentation de l'intervention).

Déployant de nouveau une stratégie ironique, le documentaire et le livre Suggested Photo Spots (1997), produits en collaboration avec Melinda Stone et le Centre for Land Use Interpretation, s'approprient le format du guide touristique pour répertorier une série de sites dignes d'être photographiés sur le territoire américain. S'il en vient à visiter les sites proposés par Stone et Vamos, le visiteur trouve à chaque emplacement une affiche qui indique le lieu idéal pour réaliser la meilleure prise de vue. Or, loin des paysages enchanteurs que vend l'industrie touristique, les lieux documentés par Vamos et Stone témoignent des traces laissées dans le paysage par les essais militaires et la mainmise de l'industrie sur les ressources naturelles. Y figurent, entre autres, le mur érigé à Tijuana, à la frontière du Mexique et des États-Unis, qui se poursuit jusque dans l'océan, un site d'enfouissement d'huile en Utah, un dépotoir desservant la ville de New York, mais situé au Texas et, enfin, l'usine d'épuration d'eaux usées de la firme Eastman Kodak à Rochester, New York.

Essai de chronique biographique consacré à Joseph Pujol (1857-1945), personnage haut en couleur de la fin du XIXe siècle, Le petomane (1998) déconstruit avec humour les conventions du documentaire grand public de type PBS. Pujol est surtout connu pour ses performances au Moulin-Rouge où il employait son anus comme instrument de musique. Figure marquante du cabaret parisien de la belle époque, mais plus ou moins tombé dans l'oubli depuis, ce dernier existe aujourd'hui pour la postérité grâce aux entrefilets publiés dans la presse du temps et à quelques documents (dont un film tourné par la compagnie d'Edison lors de l'Exposition universelle de 1900).

Bien qu'elle constitue l'objet du documentaire, la chronique de l'existence du personnage permet aussi de dépeindre le contexte culturel parisien en cette fin de siècle. Un montage savant fait s'enchaîner des extraits de films des frères Lumière et des segments d'archives révélant la faune du cabaret parisien de la belle époque entrecoupés d'apparitions de (faux?) spécialistes commentant l'ascendant du personnage sur les représentants des principaux mouvements d'avant-garde au début du XXe siècle (Jarry, Satie). Par le truchement de Pujol, Vamos semble se livrer à l'archéologie de ces mouvements subversifs qui ont marqué les avant-gardes historiques, mais son film souligne aussi le processus de médiation à l'origine du récit biographique. Le petomane a fait l'objet de nombreuses présentations dans des festivals aux États-Unis et au Canada, dont le Black Maria Film Festival (1999) et le Images Festival of Independant Film and Video (1999).

Vamos assure présentement la gestion du programme de résidence d'artistes et de production médiatique au Center for Land Use Interpretation (Cluver City, Californie, États-Unis). Le centre dispose de programmes d'interprétation et d'outils pédagogiques pour sensibiliser la population américaine aux problématiques environnementales et à l'histoire socio-politique récente de leur territoire. Bien que la maison mère soit située en Californie, des unités d'interprétation desservent différentes régions des États-Unis dont Wendover, petite ville du Nevada où ont lieu les résidences d'artistes. Recyclant certains éléments de la visite guidée sur la région de Wendover qu'offre déjà le centre, Vamos a élaboré un nouvel outil d'interprétation documentaire constitué de segments audio et vidéo déclenchés en temps réel par le participant au fil de son parcours. Intitulé Grounded, ce projet exploite les possibilités de technologies avancées (GPS, module informatique sans fil) pour illuminer des pans de l'histoire géologique, politique et sociale sous-jacents au territoire de Wendover.

Vincent Bonin © 2002 FDL

(1) Ce texte recense les interventions et les projets de Vamos où ce dernier s'identifie clairement comme l'un des participants actifs.