Après des études supérieures en mathématiques à Harvard et à Stanford, Sha Xin Wei a complété un doctorat interdisciplinaire en mathématiques, science informatique, histoire et philosophie des sciences. Il occupe actuellement un poste de professeur à la School of Literature, Communication and Culture (LCC) du Georgia Institute of Technology d’Atlanta, où il enseigne l’étude critique des sciences, de la technologie et des médias.
Ses multiples activités de recherche et de création sont de nature multidisciplinaire. En témoigne son implication au sein de groupes d’études tels que le Stanford Humanities Center's Interactive Media Group, qui réunit des spécialistes d’horizons aussi variés que la littérature, l’art, la performance, la science et la philosophie autour d’un questionnement sur l’interaction et les médias. De plus, le groupe Pliant Research
(1), qu’il a mis sur pied avec des collègues de Xerox PARC et de Apple Research Labs, avait pour objectif de faire l’examen critique de la science, des technologies et des médias afin de concevoir des outils numériques souples (
pliant) mieux adaptés à la richesse de l’interaction humaine.
Sha est aussi le directeur fondateur du Topological Media Lab (TML), lié au centre en nouveaux médias de sa faculté. Les recherches qu’il effectue dans ce laboratoire avec plusieurs collaborateurs ont trait à la gestualité, à la performance, aux espaces réceptifs, aux médias topologiques, aux technologies de visualisation et aux textiles interactifs. S’inspirant de la topologie, une branche des mathématiques qui étudie les liaisons physiques et les rapports de proximité, les projets de recherche de Sha et les œuvres auxquelles il contribue sont caractérisés par cette volonté d’établir des rapprochements entre différents savoirs et de matérialiser la continuité qui existe entre l’individu et son environnement.
À titre d’exemple, le projet
Hubbub (2001-2003), qu’il a conçu avec une équipe du TML, a donné lieu à plusieurs installations dans différents espaces publics. Grâce aux technologies de reconnaissance de la voix et de conversion textuelle, les conversations engagées dans ces espaces sont projetées sur des surfaces qui varient selon le lieu, produisant ainsi des « espaces publics peints par la parole » (
speech painting public spaces). Dans de tels environnements, les participants établissent des liens les uns avec les autres en collaborant à une création collective. De plus, ils contribuent à la définition de l’environnement en l’habitant avec leur parole devenue matière visuelle et mouvante.
Avec le collectif Sponge qu’il a fondé en 1997 avec Chris Salter et Laura Farabough, Sha a élaboré dans le même esprit de nombreux autres événements, installations et performances. Un de ces projets,
Tgarden, issu d’une collaboration entre l’organisme FoAM (Belgique/Pays-Bas) et Sponge, permet aux visiteurs d’interagir avec les autres participants et d’habiter l’espace en produisant des contenus visuels et sonores dans un environnement réceptif grâce à des vêtements interactifs.
Tgarden a été présenté à SIGGRAPH 2000, à Medi@terra (Athènes) et au Dutch Electronic Art Festival (Rotterdam), également en 2000, ainsi qu’à Ars Electronica et au centre V2 en 2001. Le projet a en outre obtenu un soutien de la fondation Langlois.
Les projets de Sha Xin Wei font converger plusieurs disciplines et champs d’exploration au sein des nouveaux médias, prenant en compte la question de l’individu dans son environnement dans toute sa complexité. Les technologies utilisées dans ses projets récents, telles que la détection de mouvement, le positionnement obtenu par la transmission sans fil, la technologie des capteurs et les textiles interactifs, ont pour effet d’étendre le rayonnement de l’individu et de le spatialiser, ainsi que de sensibiliser l’espace. Le recours à ces technologies contribue largement à réaliser des projets engageants et à créer des liens entre les participants de même qu’une continuité entre les individus et leur environnement.
De nombreux projets artistiques récents en nouveaux médias explorent les possibilités expressives des environnements réceptifs (
responsive) notamment dans le cadre d’installations interactives. Quant aux ordinateurs vestimentaires et aux textiles intelligents, ils ont surtout été employés dans le contexte de performances musicales ou dans le domaine de la danse, des disciplines artistiques où le corps et la gestualité constituent l’essence du médium. La pratique de Sha se distingue par le recours aux technologies utilisées dans ces deux champs d’exploration, en examinant le potentiel des environnements réceptifs ainsi que celui des vêtements interactifs. Elle parvient ainsi à mettre en évidence les rapports topologiques qui existent entre l’individu et l’espace qu’il occupe.