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Viva Paci

Ce qui reste des images du futur

Des lignes et des pinceaux : le 2D

Patrice Molinard, Traits et portraits : dessins et textes de Jean Cocteau, 1986 (video)
Patrice Molinard, Traits et portraits : dessins et textes de Jean Cocteau, 1986 (video)
Léa Lublin, Zéro-dix, 1985 (video)
Léa Lublin, Zéro-dix, 1985 (video)
Steve Segal, Dance of the Stumblers, 1988 (video)
Steve Segal, Dance of the Stumblers, 1988 (video) Viking Eggeling, Diagonal Symphony, 1924
Il n’y a pas beaucoup d’animation en 2D dans la Compétition internationale d’animation par ordinateur d’Images du Futur. Dans les années de l’exposition, la nouveauté du 3D est probablement encore trop attachante pour que le spectateur soit attiré par un résultat à deux dimensions fort semblable à celui de l’animation classique.

Les seules œuvres d’animation 2D qui sont présentées fréquemment sont celles qui se rapprochent de la peinture et qui se spécialisent dans l’animation extravagante des arts graphiques. En effet, l’animation de synthèse, peu importe qu’elle soit en deux ou trois dimensions, crée souvent des espaces de frayage entre les images en mouvement et l’imaginaire de la peinture (visitez aussi « Images sans soleil et avec volume. Le 3D »). Un cas important est celui de la série d’animation 2D sur les dessins de Cocteau, Traits et portraits : dessins et textes de Jean Cocteau, réalisée par Patrice Molinard (1986). Les animations sont créées à partir des dessins de Jean Cocteau dans Opium (1930) : journal, en mots et dessins, des douleurs d’une de ses désintoxications. Dans Opium, Cocteau visualise ses souffrances d’abstinence par le dessin. En plus de la simple succession des dessins comme dans un diaporama, ce que l’animation crée ici, ce sont parfois des « dessins intervalles » qui donnent aux croquis de Cocteau un véritable mouvement, leur permettant ainsi de se transformer l’un dans l’autre avec continuité et fluidité. Étant donné l’imaginaire inquiet de ces dessins et l’étrangeté de ces fixités qui commencent à se tordre et à muer, l’effet de Traits et portraits est globalement assez perturbant, comme si les souffrances prenaient vie et mouraient devant nos yeux.

Dans un esprit proche de celui des Traits et portraits de Molinard qui, par l’animation numérique en deux dimensions, rapproche des dessins différents en créant des dessins-intervalles permettant le passage fluide d’une image à l’autre, Léa Lublin dans Zéro-dix (1985) propose, à partir d’images classiques de la peinture, une série de variantes, de dessins-intervalles qui rapprochent différentes images de diverses traditions picturales, cherchant sans doute à reconstruire des filiations, des constructions communes de lignes et des usages homogènes de couleurs. Léa Lublin, artiste argentine, poursuit ici son travail de plasticienne à la recherche des fondements cachés de l’art. Dans une sorte d’histoire des formes de l’art occidental, elle propose des assemblages de figures, de découpages de lignes de construction des tableaux qu’elle étudie, en isolant parfois des séries de couleur. Dans l’article « Lea Lublin, l’œil alerte (arts plastiques & beaux-arts) », Christine Rey rapporte ce commentaire de Sarkis : « Lea Lublin est la seule artiste qui ait cherché à découvrir ce que cachent les peintres ».

L’exemple de l’animation Dance of the Stumblers, réalisée par Steve Segal en 1988, témoigne d’un héritage que certaines animations 2D auraient repris d’une filière fort riche du cinéma d’avant-garde, celui de rythmes colorés. Dans une ligne discontinue qui va des rythmes colorés pour le cinéma de Leopold Survage du début des années 1910, en passant par Symphonie diagonale de Viking Eggeling de 1924, aux Rythmus... de Hans Richter du début des années 1920, jusqu’à certains films dessinés sur pellicule par Norman McLaren, tout un pan de la création d’images en mouvement a exploité directement le potentiel du mouvement de formes géométriques étudiées en relation avec la musique. L’animation de Steve Segal nous ramène dans cet imaginaire avec ses animations de formes géométriques en allumettes qui évoluent sur une pièce de Rimski-Korsakov.

Ce type d’expérimentation sur le mouvement et les formes que l’animation 2D peut générer, accomplir et visualiser à l’ordinateur s’insère donc dans la vieille tradition cinématographique de « cinéma pur » et de « peinture animée », ainsi que dans le type de cinéma expérimental qui consiste à dessiner directement sur la pellicule.

C’est plus dans des exemples comme Traits et portraits et Zéro-dix que l’animation numérique en deux dimensions semble véritablement expérimenter une zone tout à fait nouvelle dans la création d’images en mouvement.

Viva Paci © 2005 FDL