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Bill Seaman

Bill Seaman, The World Generator, 1996-97
Bill Seaman est né en 1956 à Kennet, dans l'État du Missouri, aux États-Unis. Il obtient en 1985 sa maîtrise en sciences, spécialisée en arts visuels, après des études au Massachusetts Institute of Technology, à Cambridge. En 1999, il reçoit un doctorat du Centre for Advanced Inquiry in the Interactive Arts de la University of Wales pour une thèse dont le titre résume bien le sens de sa pratique artistique : Recombinant Poetics: Emergent Meaning as Examined and Explored Within a Specific Generative Virtual Environment. (1) Il a enseigné dans plusieurs établissements en Australie et aux États-Unis et il dirige présentement le nouveau Digital Media Program au Rhode Island School of Design (États-Unis). Ses œuvres ont été présentées aux États-Unis, en Europe, au Canada, en Australie et au Japon et lui ont valu plusieurs prix internationaux : une bourse du National Endowment for the Arts (États-Unis, 1987), le Siemens Stipendium au ZKM (Zentrum für Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe, Allemagne, 1994), le prix Ars Electronica (section art interactif, Linz, Autriche, 1992 et 1995) et le premier prix du festival du film et de la vidéo de Berlin (section art multimédia, 1995). On trouve ses œuvres dans nombre de collections privées et publiques, notamment au Museum of Mordern Art de New York et au Mediamuseum à Karlsruhe. Seaman est également connu pour ses performances et ses vidéos linéaires telles que S.HE (1983), Water Catalogue (1984), Shear (1986), Boxer's Puzzle (1986) et Telling Motions (1986).

Une performance de 1980, Architectural Hearing Aids, annonce l'importance que prendront pour l'artiste le contexte et le choc entre des éléments de différentes natures. Ici, comme dans son œuvre à venir, Seaman s'intéresse au mode de production du sens. Avec Carlos Hernandez, il conduit un groupe de participants en voiture à certains endroits de la région de San Francisco. À chacun des endroits, les participants écoutaient une pièce audio composée spécialement en regardant par la fenêtre arrière de la voiture. La rencontre du son et de l'image, qui n'est pas sans rappeler celle à laquelle on assiste au cinéma, transformait le lieu en film imaginaire. En combinant langage, image et son, Seaman questionne la formation de l'imaginaire.

Au fil de ses œuvres, Bill Seaman élabore un langage filmique avec l'apport des nouvelles technologies. Déjà avec ses premières vidéos, l'artiste explore des agencements de textes et d'images. Ses installations interactives des années 1990 déploient de multiples possibilités de combinaison entre textes, photographies, bandes sonores, séquences filmiques, et construisent, avec le concours de l'utilisateur, différentes formes de narrations en parallèle.

Plusieurs œuvres de Seaman existent en différentes versions. Par exemple, le substrat de The Exquisite Mechanism of Shivers (1991) (Ex. Mech) est un vidéogramme de 28 minutes. Toutefois, sous le même titre, on trouve également une installation avec dix projections vidéo, une installation interactive, une bande sonore sur disque compact et un cédérom. C'est dire le refus de l'artiste de déterminer le sens et même la forme de l'œuvre, car il s'intéresse plutôt à la dissémination du sens. Ses installations interactives sont des machines conceptuelles structurées en rhizome. Seaman se réclame de Deleuze et de Guattari qui présentent le rhizome comme un agencement où « n'importe quel point (...) peut être connecté avec n'importe quel autre, et doit l'être ». (2) Dans sa simplicité même, cet énoncé traduit le souci de l'artiste d'assurer à ses œuvres une fluidité constante. Dans le cas de The World Generator (1996-97), l'utilisateur est invité à construire des mondes poétiques en temps réel à partir d'une grille de données interactives avec un potentiel de choix. L'installation Passages Sets/One Pulls Pivots at the Tip of the Tongue (1995) est une réflexion sur le voyage avec des images filmées à Tokyo et Karlsruhe. Voyage également au sens métaphorique puisqu'il est aussi question de la navigation de l'utilisateur. Cependant, contrairement à la plupart des œuvres interactives qui n'existent et prennent leur sens que dans l'interaction, ici l'utilisateur peut tout simplement se laisser aller à la contemplation des images qui défilent.

Inlassablement, Bill Seaman interroge les glissements de sens des mots et des images. Il s'intéresse de près à la « zone de voisinage », comme le disaient justement Deleuze et Guattari, entre différents concepts, différentes formes d'expression, à ces rencontres virtuelles qui permettent l'émergence de sens. Mais pour que la rencontre ait lieu, l'artiste a besoin du navigateur. Et le navigateur, lui, a besoin d'un champ de manœuvre que Seaman lui offre en le libérant d'un point de vue et d'un sens uniques.

Jacques Perron © 2001 FDL

(1) Seaman, William Curtis. Recombinant poetics : emergent meaning as examined and explored within a specific generative virtual environment, 1999, 321 p. Thèse présentée dans le cadre d'un doctorat au CAiiA : Centre for Advanced Inquiry In the Interactive Art, Newport, Pays de Galles, Royaume-Uni, 1999. Comprend un CD-ROM. Disponible au CR+D et en ligne : https://www.fondation-langlois.org/media/activites/seaman/d00001759.pdf

(2) G. Deleuze et F. Guattari, Mille Plateaux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 13.