Jusqu’à tout récemment, Jessica Field utilisait la robotique et la mécanique afin de créer des machines capables de produire des comportements humains dans leur effort pour composer avec leur environnement. Par exemple,
Autonomous Robot est un robot qui n’aime pas entrer en collision avec des objets, mais sa conception rend la chose inévitable. Le robot manifeste alors son irritation en émettant des sons. Sa capacité d’adaptation à son environnement - prendre un autre chemin s’il rencontre un obstacle - est sur le même plan que son refus de s’adapter émotionnellement à cette situation, étant donné que sa frustration est programmée.
Rappelons brièvement que la cybernétique est une science qui a été fondée en 1948 par le mathématicien américain Norbert Wiener et qui est constituée par l’ensemble des théories relatives au contrôle, à la régulation et à la communication dans l’être vivant et la machine. Un système cybernétique peut être défini comme un ensemble d'éléments en interaction, les interactions entre les éléments pouvant consister en des échanges de matière, d'énergie, ou d'information. La sémiotique, quant à elle, a été définie par Saussure comme une « science qui étudie la vie des signes au sein de la société »
(1). Ce qui réunit les deux disciplines, ce sont bien sûr les interactions.
Poussant plus loin ses intérêts en robotique, Field se penche maintenant sur la psychologie des comportements humains afin de développer une communauté de machines capables non seulement d’interpréter leur environnement, mais aussi de traduire leur interprétation à d’autres machines. Ce partage d’information leur permet ainsi de développer une meilleure compréhension de leur environnement.
L’artiste se propose donc de construire deux machines en mesure d’interpréter et d’échanger de l’information en langage-machine, et deux autres machines qui vont traduire le langage-machine en sons et en textes afin de démontrer les capacités de la technologie en matière d’interprétation et d’échange d’information.
Entrent en scène Alan, Brad, Clara et Daphne.
Semiotic Investigation into Cybernetic Behaviour dépend de la participation du visiteur, car celui-ci initie les interactions entre Alan et Clara lorsqu’il arrive dans le lieu d’exposition. Munis de capteurs de mouvement (et donc capables d’analyser la distance), Alan et Clara enregistrent sa présence. Brad traduit Alan en émettant un son grave et Daphne présente, par exemple, les mots suivants « Je vois un mouvement à dix pieds » sur l’écran de Clara. Si le visiteur s’immobilise, la lumière du capteur de mouvement d’Alan s‘éteint et Brad réagit une fraction de seconde plus tard en faisant du bruit. À son tour, Daphne réagit en affichant les mots « Cela ne bouge toujours pas. Que penses-tu que c’était? ». C’est en prenant conscience de la « discussion » que le visiteur se rend compte qu’il est le sujet de la conversation entre Alan et Clara lorsque ceux-ci tentent de « comprendre » le visiteur. Alan et Clara ont une compréhension limitée puisqu’ils ne perçoivent les choses que sous le rapport du mouvement et de la distance. C’est donc par l’échange d’information, par la communication qu’ils arrivent à une meilleure compréhension du visiteur.
L'approche cybernétique d'un système consiste en une analyse globale des éléments en présence et surtout de leurs interactions. Les éléments d'un système sont en interaction réciproque. L'action d'un élément sur un autre entraîne en retour une réponse (rétroaction ou
feedback) du second élément vers le premier. On dit alors que ces deux éléments sont reliés par une boucle de feedback (ou boucle de rétroaction).
Et c’est précisément ce sur quoi porte
Semiotic Investigation into Cybernetic Behaviour, d’autant plus que le visiteur est happé dans la boucle : il interprète les machines et vice-versa. La visée du projet étant d’amener le visiteur à déterminer les similarités sur le plan de l’interaction.
Semiotic Investigation into Cybernetic Behaviour a été exposé au Musée des beaux-arts de Montréal à l'automne 2007 dans le cadre de l'exposition
e-art : Nouvelles technologies et art contemporain, dix ans d’action de la fondation Daniel Langlois.