Pas étonnant que les nanotechnologies séduisent et intriguent certains artistes, car il s’agit là d’un territoire inédit, du
jamais vu. Rendre visible l’invisible, voilà une mission à laquelle adhèrent les artistes depuis les traces qu’ils ont laissées dans la caverne de Lascaux. Aujourd’hui, pour ce faire, ils ont bien sûr accès aux moyens offerts par les technologies numériques.
DATA est le nouveau projet du collectif
Ælab, projet de recherche, de production et de diffusion qui porte sur la représentation de l’image micro et nanométrique. Soulignons d’emblée l’intéressante collaboration avec le Lennoxlab du département de chimie de l’université McGill à Montréal. En effet, le Dr Bruce Lennox, directeur du Lennoxlab et du département, immédiatement convaincu de la pertinence d’une telle collaboration, a offert au collectif une résidence pour entreprendre sa recherche. Et ce qu’il leur offre est considérable : l’accès aux technologies optiques et numériques de la microphotographie et à l’instrumentation servant à l’acquisition de données à l’échelle nanométrique. Et cet accès se fera grâce à Vicki Meli, étudiante au doctorat au Lennoxlab, qui manipulera les appareils (microscopes, ordinateurs) et guidera les artistes dans leur compréhension de l’image à différentes échelles.
Ces nouvelles possibilités d’exploration visuelle et formelle permettront au collectif d’aborder quelques-uns des enjeux de la représentation dans les domaines scientifiques et artistiques. Selon les artistes, il s’agit « d’approfondir la question du pouvoir de l’image quand elle devient témoin unique et privilégiée de phénomènes observables seulement à certaines échelles »
(1). Et ce pouvoir de l’image nano, que nous réserve-t-il? On peut déjà présumer des images d’une étrange beauté, en transmutation. Pénétrer aux confins de la matière, où rien n’est fixe ni même solide, risque fort de livrer de nouveaux types de paysage (et de nouvelles façons de le
contempler). Mais ce pouvoir, comment le manifester? Inversant le jeu d’échelles, les artistes traduiront ces images captées dans l’infiniment petit en projection vidéo et en tirages numériques de dimension immersive. Ce transfert d’échelles produira des effets déstabilisants par rapport aux perceptions quotidiennes de la matière.
Les projets de Ælab
(2) sont généralement protéiformes, les artistes faisant appel à un vaste registre de supports afin de rendre compte de leur recherche. Pour
DATA, outre les tirages et projections mentionnés, une bande sonore minimaliste comportant des prises de son au laboratoire accompagnera les images. Pendant les séances de travail lors de la résidence, ils seront attentifs aux dires provenant du quotidien du labo, qui seront incorporés sous forme de citations dans les épreuves grand format, les diapos et les vidéos. La visée de cet apport est de mettre en contexte les images et d’offrir des pistes de lecture.
DATA sera présenté en galerie sous forme d’installation – chaque lieu d’exposition exigeant une nouvelle configuration – et fera l’objet d’une présentation publique pour les étudiants en chimie. Les premiers résultats de la recherche alimentant
DATA ont été présentés en septembre et octobre 2003 dans le cadre d'une exposition de groupe,
Radical: Vaguely, organisée par (feu) la commissaire Rossitza Daskalova à la Galerie nationale de Sofia, en Bulgarie. La première présentation aura lieu du 9 décembre 2004 au 16 janvier 2005, au Centre des arts Saidye Bronfman, à Montréal. Nourris par l’expertise des scientifiques, les artistes les inviteront en retour à venir voir le fruit de leur recherche et à discuter de leur perception de l’exposition, poursuivant ainsi ce dialogue fécond et de plus en plus nécessaire à la rencontre de l’art, de la science et de la technologie.