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Bill Seaman et Ingrid Verbauwhede

Poly-sensing Environment

Vers le développement d'une technologie distributive intégrée explorant une grammaire poétique/ informationnelle de l'attention et de la fonctionnalité.

La fondation soutient The Poly-Sensing Environment, projet de développement d'un environnement immersif mené conjointement par Bill Seaman et Ingrid Verbauwhede. Bill Seaman dirige le nouveau Digital Media Program au Rhode Island School of Design et il poursuit également ses recherches en génie électrique à la University of California à Los Angeles (UCLA), en collaboration avec Ingrid Verbauwhede. Celle-ci est professeure adjoint au département de génie électrique à UCLA.

La notion d'interface est généralement entendue comme le point de jonction entre les actions de l'utilisateur d'une technologie et les conséquences de cette intentionnalité sur un plan informatique ou virtuel. Bien que les interfaces puissent se chevaucher, il convient d'en distinguer deux types : l'interface transparente qui fonctionne selon un rapport de causalité facilement identifiable entre l'entrée et la sortie de l'information (la console du jeu électronique), et l'interface opaque qui est disséminée dans l'espace et génère des effets que l'on peut difficilement associer à une cause (les environnements interactifs fonctionnant à partir de capteurs de mouvements).

Les avancées récentes en matière de nano-semiconducteurs permettent de conjuguer les fonctions de plusieurs capteurs dans un système auteur intégré dont les dimensions physiques ne dépassent pas celles d'une puce informatique. En employant ces matrices de micro-capteurs poly-réceptifs, Seaman et Verbauwhede se proposent de créer des interfaces que l'utilisateur peut contrôler selon des paramètres précis, mais où la quincaillerie s'efface complètement pour suggérer un rapport plus cognitif qu'instrumental avec la technologie.

Le modèle du théâtre de mémoire élaboré au XVIe siècle et décrit par Francis Yates dans son ouvrage The Art of Memory, constitue un antécédent historique à l'environnement technologique complexe que Seaman et Verbauwhede tentent de mettre en place. L'utilisateur de cet outil mnémotechnique s'asseyait au centre d'un habitacle de forme conique sur les parois duquel étaient distribuées des vitrines renfermant différents objets/artefacts/images évoquant les registres microscopiques et macroscopiques du savoir (du règne végétal ou minéral à l'échelle cosmique). Le théâtre de mémoire permettait entre autres de soutenir un discours grâce aux associations sémantiques suggérées par l'emplacement physique des divers artefacts qui agissaient comme balises et aide-mémoire.

Dans le schéma d'environnement immersif réalisé par Seaman et Verbauwhede, (1) les capteurs poly-réceptifs sans fil sont disséminés sur toutes les superficies disponibles de la pièce où évolue le participant (couvrant murs, tables, chaises, vêtements et autres objets). À la manière de postes d'observation agissant de façon simultanée pour saisir de nombreux aspects d'un même phénomène, chaque matrice de capteurs coordonne un ensemble de données hétérogènes qu'elle a mémorisé ou saisi en temps réel sur les lieux physiques (manipulation des objets, données chimiques en provenance du corps du participant, etc.). Une technologie radio de type GPS (Global Positioning System) permet de transmettre les données d'une matrice à l'autre et un serveur affiche les résultats de ces échanges sous forme d'événements médiatiques (projection d'images de synthèse ou vidéo, environnement sonore) dans un espace virtuel lié. Ces événements ne découlent pas nécessairement du traitement en temps réel de données saisies dans l'espace physique occupé par le participant. Ainsi, Seaman a amassé une banque d'événements médiatiques préprogrammés (images, objets et texte 2D et 3D, segments vidéo et fichiers sonores) dont les attributs sont liés à des familles de capteurs qui, lorsque déclenchés, provoquent une configuration d'objets particulière dans l'espace virtuel.

Ce tissage de liens entre des chaînes de signifiants en apparence dissociés rappelle les installations interactives de Seaman (Exquisite Mechanism of Shivers (1991) et Red Dice = Dés Chiffrés (2000)) dans lesquelles un participant construit une suite recombinante d'énoncés à partir d'un nombre fini d'images et de textes emmagasinés dans une base de données. Or, cette fois, le résultat d'un geste ou d'une décision du participant se répercute de façon distributive dans l'espace virtuel (les effets d'une action ne produisent pas un seul énoncé mais plusieurs séries d'événements médiatiques disséminés).

Avec The Poly-Sensing Environment, Seaman et Verbauwhede espèrent générer un modèle d'environnement cybernétique calqué sur les fonctions de l'appareil cognitif. Les différentes matrices de capteurs poly-réceptifs traitent et mettent en relation un ensemble de signaux hétérogènes, faisant le tri entre les données superflues et les données signifiantes, à la manière de l'attention humaine discernant la valeur d'information de nombreux stimuli en provenance du monde extérieur.

Plusieurs modes d'appréhension de l'environnement sont suggérés. Pour traiter l'information dans un registre sémantique plus restreint, le participant énonce une série de choix fonctionnels qui activent et désactivent certains capteurs. (2) Il peut aussi déclencher toutes les matrices de capteurs qui observent alors simultanément l'espace physique. Enfin, sur un mode rétrospectif, le participant consulte des cartographies de nœuds et de liens tissés par d'autres usagers passés avant lui dans cet environnement.

Dans une phase ultérieure du projet, plusieurs modules d'environnements poly-sensoriels seront mis en réseau pour générer un espace de rétroaction complexe entre participants éloignés physiquement les uns des autres.

Les activités de collaboration entre Seaman et Verbawhede s'échelonneront sur une période de trois ans. Du prototype fonctionnel de l'environnement émergera une nouvelle installation de Seaman, provisoirement intitulée The Quiescent Space of Epiphany.

Vincent Bonin © 2002 FDL

(1) Voir le schéma suivant qui présente toutes les composantes de l'environnement et leurs modes d'interaction : http://users.design.ucla.edu/~fwinkler/poly_sensing/

(2) Par exemple, il lui sera possible de sonder l'environnement pour accéder à certaines données telles que le taux d'humidité de la pièce.